dimanche 17 août 2008

Iso Tabaco

"Les Volutes" - Huile - [46 X 38] - 10 03 2001 - ISO Bastier




Ile des poètes 2007
Prix de la nouvelle




ISO TABACO



Il n’y a rien de plus suicidaire que de fumer.
Dès l’instant qu’on s’en prend au souffle, qu’on tarit l’oxygène, on s’attaque violemment à la vie.
On commence par hasard, sous influence, parce qu’on aime cet arôme de miel qui flotte dans l’atmosphère, cet opium, cet envahisseur enivrant.
Pour celui qui s’asservit, ce plaisir, ce geste, ces volutes sensuelles deviennent nécessaires. Une belle et profonde respiration ne leur convient plus. L’aspiration parfaite de la jeunesse n’a plus d’attrait pour eux, c’est au dernier souffle qu’ils pensent…
Une prochaine bouffée…
Comme la dernière…
La gorge sèche, l’œil sec, les doigts jaunes, les dents jaunes et déchaussées, le cancer en perspective…
Encore une taffe…
Est-ce haïr la vie que la consumer ?
L’entreprendre. La dévorer. La maîtriser par l’art de la respiration tels les sâdhus indous, les yogis, les plongeurs, les enterrés vivants, les stressés, les malades en phase terminale, les alpinistes.
Est-ce ce souffle qui nous agresse dès la naissance, qui nous fait souffrir en s’infiltrant dans nos poumons, nous offrant cette unique et lugubre perspective de nous abandonner un jour qui serait le responsable ?
Ce souffle, principal allié de la naissance (la mère fait le petit chien pour que l’enfant prenne sa première bouffée), ne serait-il pas l’explication de l’origine de la violence en l’homme ? On t’attaque, tu réagis d’instinct.
Toute la vie n’est que le contrôle de la respiration.
Les halètements douloureux de l’accouchement peuvent se transformer en musique, la musique du vent, des instruments à vent, le chant du monde. Le saxophone en mystérieux noctambule au coin d’une ruelle, la flûte traversière qui fait son envolée, le pipeau des campagnes, les cors des montagnes et des monastères, le hautbois somptueux et grave et dans l’air du temps, des Édith Piaf sous le ciel de Paris ou d’ailleurs, des voix qui s’élèvent, qui modulent, qui crachent des sentiments, des valeurs, des idées. Des voix qui s’offrent, s’emballent ou se tamisent, se partagent, se cherchent en muant, se taisent.
Des voix issues du souffle qui parlent de l’impalpable.
Des sons qui peuplent le bruit de nos têtes.
Des voix et des flûtes à bec pour se mettre à l’unisson…
Encore une taffe…
Et des voix éraillées.
Les notes perdues de votre voix sont autant de cicatrices à votre âme.
Des blancs, des notes bleues, des non-dits, des omissions…
Une taffe jusqu’au filtre en acétate de cellulose ou en coton ou en carton…
Dire que j’aurais pu être souffleur de verre sur l’île de Murano dans le lagon au Nord de Venise. J’aurais été un magicien du verre, mon souffle aurait valu de l’or, il aurait conçu des formes concrètes. J’aurais été un artisan du souffle plutôt qu’un toxicomane, un maître. J’aurais vécu de mes expirations sur une île magnifique du fait de l’angoisse vénitienne des feux dans les fours des verreries.
Une nouvelle bouffée…
Fumer comme on parle de tout et de rien.
Communiquer. Enseigner. Transmettre.
L’humain sort des mots du souffle, il espère se jouer du temps. Son cerveau bien oxygéné conçoit des idées qu’il émet en sons, ainsi, il crée des souvenirs qu’il partage pour garder au présent des morceaux du passé, puis il se projette dans le flou de l’avenir. De cette manière, l’homme immortalise des concepts idéalisés de bouche en bouche.
Fais tourner…
Ce souffle venu du grand air nous relie au ciel par la prière, nos sons pénètrent l’impénétrable car ils portent très au-delà de nous. Le vent est voyageur, brutal ou caressant, il nous échappe sans cesse.
Enflammer l’air…
Mettre de la passion dans l’insondable…
Voir le bout rouge éclairer les ténèbres…
Se libérer dans l’échappée belle de la fumée encore blanche.
Se tuer un peu pour mieux se concentrer sur l’essentiel : cette respiration, ce flux, ce cordon qui relie les mammifères à l’existence.
Consommer.
Consumer.
Aspirer ce luxe de poison…
Recracher sa dépendance comme ses angoisses.
Conquérir l’espace des sens, animer les atmosphères de volutes abstraites ou figuratives, créer des nuages, des vapeurs, des écumes célestes.
Pénétrer les narines inconnues par ce qui sort de notre bouche, violer leurs mécaniques, les polluer un peu par notre simple présence. Faire tousser, piquer les yeux au point parfois de faire pleurer.
S’affirmer.
C’est moi qui décide. C’est moi qui achète le paquet, moi qui nourris l’état, moi qui allume le briquet, moi qui fais crépiter le tabac. Si je chope un cancer, c’est MOI qui meurs. Basta !
En attendant, JE FUME !
Une bouffée…
Je respire de l’intérieur. Les airs ambiants ne connaissent que ma cendre, je ne les respire pas, je les travestis au bout de ma cigarette.
Puis je fuis, je m’esquive comme un délictueux, on me met en marge, fin du coin fumeur, il va falloir sortir et assumer les regards critiques des biens pensants. Ce n’est pas bien ! Tu mets ta santé en danger en même tant que celle des autres. Que tu te condamnes passe encore en revanche que tu deviennes un criminel reste intolérable. Pense à ceux qui t’entourent. Méritent-ils ton feu ? Les laisserais-tu étouffer dans la pièce sans réagir, pis, en être responsable ?
Pas un mot mais un geste, un seul : porter la main au paquet comme un cowboy la poserait sur son arme en un instant de tension.
N’as-tu aucune pitié ? Les femmes et les enfants d’abord ? Es-tu le dernier des derniers ? L’empoisonneur de la planète.
Un dragon agressif dont les narines débordent de fumée avec un bruit de cocotte minute…
Tu souffles…
Pour peu que tu aies une voiture et tu t’endettes envers la nature…
Tu n’es qu’un consommateur déluré, du genre à garer ta voiture en double file au coin du seul tabac ouvert le dimanche soir. Tes warnings en disent long sur ton état…
Aspiration…
Inspiration…
S’il s’agissait des Muses ! L’inspiration, les idées qui fusent, un moyen de transport vers une autre compréhension du monde.
Vois-tu ce vieil homme assis devant son narguilé ? Les sages orientaux dans leurs volutes spirituelles, les rescapés de l’opium, les nuages hallucinatoires qui te sortent de toi-même.
Le trafic. La jeunesse qui s’anesthésie au marocain avachie sur les canapés. La lutte pour une belle tête d’herbe cristallisée ou la suavité d’un afghan. Les agents 00 collaborent avec la Seita.
T’as pas une cigarette ?
Le luxe de te foutre en l’air, de partir en fumée…
Comme le génie sort et rentre dans sa lampe. La lampe comme corps et le génie dans l’âme, l’impalpable, le fluidique. Cet esprit semblable à la fumée.
Ce qui t’échappe.
Tu enduis tes parois aux goudrons. Tu te teintes à la nicotine. Tu prends une autre saveur tout en perdant le goût. Un jour la cigarette te fait casser ta pipe alors tu n’en as plus rien à rouler. La crémation est l’ultime moyen de te consumer encore une fois. Tu étais fumée et tu redeviendras fumée. Après la passion connaîtras-tu le feu divin, la lumière céleste ?
Sauras-tu danser comme tes anciennes volutes prenaient possession de l’espace ? Seras-tu libre d’aller où tu voudras ? Te disperser. Te raréfier. Te reconstituer. Te métamorphoser. Voyager. Reprendre un nouveau souffle.
Aspirer le poison…
Recracher l’air vicié…
Pincer le filtre (s’il existe encore)…
Tirer les braises à soi…
Embrumer son regard…
Recommencer avec cette même fougue volcanique.
Travailler la gestuelle, les rituels, l’obsession jusqu’à ce que la cigarette te récompense de tout, qu’elle conditionne ton existence, ton café du matin, tes pauses, tes apéros, tes digestions, le jour, la nuit, l’après l’amour.
L’haleine fétide, tu avances vers le dernier tabac. Ton paquet, c’est ton Graal. Tu tuerais le premier venu pour une panne de briquet tel un homme des cavernes désespéré par la perte du feu. Il faut griller une tige, fêter la Saint-Jean, faire frissonner le tabac en le faisant rouler dans sa robe blanche. Allumer la flamme de cette mariée et ne regretter que la veuve au fond du cendrier.
Se laisser bercer dans les bras éthérés de l’addiction. Se prendre à chercher des formes dans ces nuages tabagiques. S’évader.
Retour à la réalité, ta cigarette est éteinte…
Si un jour je n’en avais plus les moyens ? Crise de doutes. En serais-je rendu à ramasser les mégots dans les rues pour espérer m’en rouler une ? Ou encore agresser un connard dans le métro pour lui donner le sens du partage ?
Sueurs…
- « Un paquet de…, s’il vous plaît ».
- « Merci. Au revoir. »
Tu vérifies qu’il n’y a pas de nécessiteux alentour et tu allumes ta clope. Tu tires dessus comme si ta vie en dépendait. Ouf !
Tu rentres chez toi, entre tes murs tapissés à la nicotine et tu fumes.
Un jour, dans un aéroport quelconque quelque part sur le globe, tu pourras passer ton brevet de fumoir. Plus ton vol aura été long et plus tu auras été méritant, alors tu pénètreras dans cet aquarium pour fumeurs acharnés où un non-initié vomirait rien que d’avoir passé la tête et tu rejoindras l’élite.
Où est donc passé mon briquet ?
Pourtant je les achète toujours rouges pour les voir de loin, ne pas trop les mélanger sur les tables et éviter le contact des escamoteurs professionnels.
Ah ! Le voilà !
T’en veux une ?
On cible un public très jeune, le moins conscient possible des dangers, un client à vie s’il mord à l’hameçon. L’argent, toujours l’argent ! Malgré les amendes financières géantes des industriels du tabac et le coût des soins palliatifs, ça rentre… Si les interdictions des pays développés sont trop contraignantes, on déplace le développement des ventes en direction des pays en voie de développement.
Oh ! Et puis je n’aime pas insister. Comme qui dirait, une bonne incitation c’en est une de moins dans le paquet. Actuellement on fume de l’or en tige.
La langue s’assèche…
La gorge picote un peu…
Les poumons en prennent un coup…
La dépendance comme l’amour, tout dépend de l’amant ou de la maîtresse que tu es, de la manière dont tu déclares ta flamme, la façon dont tu brûles, la vitesse à laquelle tu t’éteins. De la timide crapoterie à l’engouement destructeur, tout varie selon ton sens du besoin, de l’excès. Au fond tout dépend de toi.
Soit tu te sens libre en vivant naturellement, soit tu te sens libre face à la mort.
Soit tu t’économises pour escompter durer le plus longtemps possible, soit tu profites en défiant l’inconnu.
Une taffe…
Seules mes oreilles ne débordent pas de fumée. Selon la lumière cela impressionne plus ou moins. Arrogance du fumeur.
Il faut savoir se mettre en scène. Regarde dans les films, les cowboys, les voyous, les flics, les filles perdues, les rebelles, les femmes fatales… Ils ont touché à la beauté du geste. Ils ont immortalisé l’acte avec grâce ou virilité. Ils ont marqué leur différence avec cette petite baguette fantasmatique qui allonge leurs doigts. Ils ont ourlé une personnalité. Aujourd’hui il n’y a plus guère que les méchants pour fumer, les vrais personnages, Lucky Luke, Gainsbourg, le commissaire Maigret (…) sont sur le monument aux morts des ex-fumeurs. Les temps changent. On constate les dégâts tout en sponsorisant les soirées étudiantes. Les gentils se rangeront dans une calme existence sans problème, les délinquants fumeront et tant mieux, leur insoumission les conduira vite à la tombe.
Broyer le filtre au fond du cendrier…
Ruminer de sombres pensées. Broyer du noir. Puis s’en laver les mains.
Qu’importe ce que les autres peuvent bien en penser ! Fi du futur !
Stopper sa respiration…
Se laisser envahir, posséder et déposséder…
Finalement cette cigarette est à mon image. Je suis cette enveloppe de papier. Je suis palpable et éphémère. Comme ce tabac, je sens le miel avant de sentir le roussi. Que le plaisir est bref lorsqu’on regarde ce cendrier. Que la vie est brève ! Chaque cigarette te le rappelle.
Nos ancêtres décoraient leurs intérieurs avec des crânes humains ainsi ils se souvenaient quotidiennement de leur condition de mortels, le fumeur le matérialise par ce souffle chaud et fugace qui filtre entre ses doigts et meurt après un ultime baiser. Il sait que l’enthousiasme qui crépite là s’écrasera trop vite, que l’instant est précieux, qu’il doit savourer le présent.
Fumer le calumet de la paix avec soi-même. Méditer. Voir son propre paysage jusqu’à contempler l’Univers. L’encens n’est-il pas divin ?
Les fumeurs savent à tout moment de la journée cesser leur activité pour ne rien faire d’autre que fumer. Prendre du recul. Prendre le temps d’observer et de réfléchir. Si tous ces mini-bilans étaient bien pensés, maîtrisés, ne pourrait-on y discerner une certaine sagesse ?
Tout n’est pas si simple, le Bien et le Mal sont des caricatures grimaçantes. La réalité n’est ni dans le blanc du papier, ni dans le noir du tabac prisonnier de sa robe. Cette réalité qui nous accable tous est dans le gris de la cendre.
En attendant, que la gitane continue de danser ! Que le chameau face enfin le tour de sa pyramide ! Que les paquets en vogue ornent les sacs à mains coutures ! Que les sans filtre s’affranchissent ! Que les libres penseurs pensent librement !
Non, les choses ne sont pas si simples.
Porter la flamme jusqu’à l’embout…
Aspirer…
Recracher…
Passer du soleil à l’ombre. Se savoir prisonnier de soi, de ses pulsions, de cette dépendance que nous inflige l’économie, la société. Consommer sans cesse. Devenir esclave de ses désirs. Des envies souvent mal initiées qui nous coûtent plus qu’elles ne nous profitent.
Dès ta première inspiration, tu comprends qu’il va te falloir la rendre aussi tu expires instinctivement. Ce que tu vas prendre te sera repris.
Tu inspires… Tu expires…
Tu bois… Tu urines…
Tu manges… Tu défèques…
Tu vis… Tu meurs.
On t’apprend à paraître, on t’incline à consommer à outrance afin que tu n’aies jamais satiété de ta gourmandise. On t’appâte. On t’attrape. On te détraque. Tu craques tôt ou tard. Quelque soit ta drogue, dure, douce ? Ta théine, ta caféine, ta cocaïne, ton héroïne, ta bouffe, ton sucre, ton sel, ton monstrueux chocolat, tu ne coupes pas à ta dépendance, les circuits dopaminergiques de ton cerveau s’excitent.
Allumer une cigarette…
Quand tu penses à la quantité d’additifs qu’ils ajoutent pour mieux réguler ta combustion… Le fameux chocolat te trahit jusque dans tes clopes pour rehausser les caractéristiques gustatives de ton supplice.
Tu n’es qu’un brin, que dis-je ? Une poussière de tabac. Un toxique.
Dire qu’il y a 3000 ans de ça, le tabaco des indiens d’Amérique avait des vertus curatives !
Retraçons l’histoire du tabac à travers ses ensorcelantes appellations :
« Herbe angoumoise, herbe de la reine, Nicotiana Tabacum, médicée, catherinaire, herbe de M. le prieur, herbe sainte, herbe à tous les maux, panacée antarctique ou encore herbe à ambassadeur ».
Tu fais un rond…
Un beau rond qui s’évase en s’élevant…
Ça fait rêver…
S’il ne fallait ajouter la liste des substances toxiques et irritantes contenues dans la fumée de cigarette :
« Goudrons, nicotine, ammoniaque, monoxyde de carbone, monoxyde d’azote et dioxyde d’azote, formaldéhyde, acide cyanhydrique, benzène, toluène, acroléine, pyridine, phénol, acétaldéhyde, arsenic ».
Tu parles d’une médecine !
Ça fait cauchemarder...
Ça coupe la faim…
En fait, ta fumée contient entre 3000 et 5000 constituants différents. On est loin du tabaco d’origine, de la poudre de Nicot qui guérissait les migraines de la cour de Catherine de Médicis. On se rapproche du siècle de Colbert et du décret du « privilège de fabrication et de vente ». Toi ce qui t’intéresse c’est la fabrication de la première cigarette vers 1843. Pour ce qui intéresse l’État c’est plutôt la création de la SEITA en 1926. Aujourd’hui la machine est rodée.
Tu broies ton mégot…
J’espère que comme pour les peuplades amérindiennes, ton tabac est festif, qu’il combat le mauvais sort, te soigne, t’enivre et te fait communiquer avec les esprits en vue d’une révélation prochaine, sinon, accordons-nous sur l’évidence que tu es un masochiste. Un doloriste en quête d’un cancer du poumon, de la bouche, du larynx, de la gorge ou d’une maladie cardio-vasculaire, d’un emphysème, d’une bronchite chronique. Il n’est pas dit que tu seras épargné par une insuffisance respiratoire chronique ou par une maladie de la cavité buccale, tout est possible.
Tu tiques.
Là, tout de suite, tu comprends mieux les bulles papales anti-tabac, la haine à la fumée de la royauté anglaise, les punitions de la Chambre du Tabac suisse, les insurgés de la société contre l’abus du tabac.
Tu rigoles moins.
Tu te demandes si le tabac de ta tabatière est si bon que cela…
Que tu fumes un tabac brun, un Burley, un Virginie, un oriental ou un tabac séché à la fumée, ta cigarette a un goût amer. Tu regrettes la belle plante ornementale (Solanaceae) originaire d’Amérique centrale. Tu te morfonds de ne pas t’être contenté de la calme herbacée ou de l’arbustive vivace au feuillage persistant. Quoiqu’avec un peu de chance, ta tendre plante aurait développée l’alternariose, le mildiou, l’oïdium, schérotiniose ou autre virus mosaïque du tabac.
Pessimisme ?
Fatalisme.
Même si la plante est saine, pourrais-tu repousser les taupes, courtilières, limaces, noctuelles, pucerons, hépiales et thrips ? Aurais-tu maintenu envers et contre tous des températures allant de 15°C à 35°C, l’idéal étant de 27°C ?
Tu fixes ton paquet sur la table d’un œil neuf.
Quelle aventure !
Tu penses à tous les amateurs de cigares, de pipes et de cigarettes, tu songes à tous ceux qui prisent ou qui chiquent de par le monde. Tu te sens moins seul, moins isolé dans ton vice. Tu souffles suffisamment pour rallumer un de tes maléfices. Tu te redresses dans ta dignité de fumeur. Tu t’intéresses aux découvertes des férus de l’Égypte ancienne, aux composants de tabac et de coca retrouvés dans les baumes et les cheveux des momies royales et princières. Le tabac a brûlé dans les temples, a pénétré l’austérité monastique, a porté les visions shamaniques. Le tabac qu’on offrait aux dieux. Le tabac qui fait un tabac. Ce tabac qui s’évapore sous ton nez, qui serpente et se diffuse. La fumée telle une langue confuse. Le tabac des débats. Le tabac des tracas.
Et moi qui guette le bout de ma cigarette.
Tu toussotes…
Je me racle la gorge…
Fumer ? Ne pas fumer ? Tel est ton choix.
La fumée donne des ailes et des questions existentielles.
Tirer la cigarette de son étui…
Faire feu…
Rien n’est plus suicidaire.
Dès l’instant qu’on s’en prend au souffle, qu’on tarit l’oxygène, on s’attaque violemment à la vie.
Dernier râle…



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